Devoir de mémoire

Article de la Gazette de la Manche :

Au collège d’Isigny-le-Buat, les aînés partagent aux jeunes leur mémoire sur la Seconde Guerre mondiale
Les 2 et 16 avril, les collégiens d’Isigny-le-Buat (Manche) ont recueilli les témoignages des aînés ayant vécu la Seconde Guerre mondiale. Un travail de mémoire qui a été filmé.

Les six participants au collège d’Isigny-le-BUat.
Les six aînés devant les collégiens d’Isigny-le-Buat. En préambule, le principal Frédérick Lebarbanchon a expliqué cette démarche mémorielle.

Avec leur professeur d’histoire Hugo Orain, les 31 élèves en classe de troisième du collège Léon Jozeau-Marigné ont réalisé un projet de mémoire à l’occasion du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie. Ainsi, ils ont posé des questions aux six habitants d‘Isigny-le-Buat les 2 et 16 avril. Certains étaient enfants lors de la Seconde Guerre mondiale, ils ont pu partager leur histoire et anecdote aux élèves qui ont écouté religieusement ces témoignages. Cet échange a été filmé et sera monté par David Sevestre de l’Espace public numérique de Saint-Hilaire. « On a choisi un format vidéo pour accueillir la parole de nos aînés et de partager cette mémoire », indique le principal du collège Frédérick Lebarbanchon. « Ce sont des témoignages enrichissants. On a l’impression de le vivre et on comprend ce qu’ils ont vécu », explique la jeune Lilou, 15 ans.

« On a été mis dehors par les Allemands »
Les anciens gardent des souvenirs de leur vie pendant la guerre. C’est Maurice Orvain, président de l’association des anciens combattants, est à l’origine de cette démarche. Né en 1938, son père est parti en guerre lorsqu’il avait 9 mois. Il est revenu en 1945. Bernard Pinel, maire fondateur de la commune-canton d’Isigny-le-Buat, se souvient de la guerre au Pont d’Oir et du matériel militaire le long du chemin.

Georges Lemoussu est né à Montigny en 1937. « J’avais 7 ans en 44. On a vu les Américains arrivés. À Montigny, il avait un camp allemand dans la commune. Mes parents tenaient un commerce. Le soir, on a été mis dehors, car les Allemands couchaient dans notre maison », explique-t-il.

« Il y a eu beaucoup de dégâts »
Victor Lemoussu se remémore de cette période difficile. « Mon père a fait la guerre et est mort en 1949. Ma mère vivait seule avec ses enfants à Vezins. J’ai vu les Américains arrivés. On était camouflés dans un chemin avec mes deux frères et mon cousin. Le soir, on a dormi chez un voisin en campagne. Ma mère est revenue le soir pour traiter ses vaches. Près de chez moi, à l’entrée de Saint-Laurent-de-Terregatte, il y a eu beaucoup d’Allemands tués et beaucoup de dégâts. Tout était abandonné ».

Louis Desloges, est né après la guerre mais il garde des souvenirs de ce que sa mère lui racontait. « Ma mère était enceinte quand mon père est décédé. Il a été emprisonné en Allemagne pendant 5 ans et il est revenu en mai 45, mais il était malade car il a été mal opéré. Il a été réopéré à Rennes, mais il n’a pas survécu. Il est décédé en octobre 1950 et je suis né le 1er avril 1951 ».

Jean Bagot est né en 1951, il a en tête des événements passés sur la commune de la Mancellière pendant la Seconde Guerre mondiale et notamment à la ferme des Hersandières qui abritait un QG allié pour percer les lignes ennemies.

Une solidarité pendant la guerre
Maurice Orvain rappelle qu’il y avait 156 prisonniers de guerre dont 30 sont morts sur le canton d’Isigny-le-Buat. « Ce qui mettait en difficulté les exploitations familiales. Il a eu une solidarité exemplaire. Le beau-frère, l’oncle qui aidait sa belle-fille à la ferme et à faire les travaux. Ma maman avait accueilli un Parisien pour le nourrir. C’était la restriction complète, les Allemands prenaient tout ce qu’il fallait pour qu’ils vivent moins bien ». Un épisode a marqué sa vie d’enfant : « J’ai eu la peur en 1944, car ma maman avait protégé un malgré nous ». Ce sont des jeunes de 17, 18 ans qui ont incorporé de force des Alsaciens et des Lorrains dans l’armée allemande pour combattre la France. « À Montigny, pendant la bataille de Mortain, il y avait un régiment SS et il y avait deux jeunes qui ont déserté l’armée allemande pour trouver refuge à Montigny. Ils sont arrivés chez ma mère et mon oncle. Tout se passait bien jusqu’au jour où un état-major allemand est arrivé à la ferme des Godinières pour prendre la maison et environ 80 soldats étaient dans la grange. J’avais 5 ans, ça a été un traumatisme », explique-t-il.

Il y a eu aussi des réquisitions d’animaux, mais aussi de la nourriture. « Ma mère m’a raconté que les Allemands choisissaient les animaux qui leur plaisaient pour remplacer ceux qui étaient blessés pendant la guerre », explique Louis Desloges. À l’issue des entretiens, cette production audiovisuelle sera donnée à la mairie et une projection aura lieu.

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